Un dessin est une image qui peut être observée pour ce qu’il représente ainsi que pour son sens symbolique. Outil de communication à la fois archaïque et universel, son message peut être immédiat ou intemporel, de proximité comme universel. C’est un mode d’expression très ouvert qui va de la notation la plus précise à l’invention la plus débridée, de la planche unique à la suite narrative la plus dense jusqu’à simuler le mouvement.
Frise adaptée du décor de poterie retrouvée à Pendreff-en-Commana (IVe avant JC)
Nous sommes tous entourés de dessins. Les objets qui nous entourent ont d’abord été à la fois dessins et desseins, c’est-à-dire projets. Le dessin répond au besoin de l’homme de raconter et de se faire comprendre.
Aux origines, il servait à laisser des traces de son passage et se limitait à l’imitation plus ou moins habile de la réalité. Plus tard est venu le temps de la simplification et du symbole, le trait devint moins universel et chaque tribu développa ses propres codes.
Plus tard encore, avec la règle et le compas, le trait se fit droit, le cercle circulaire et les artistes les plus habiles inventèrent une excellence encore aujourd’hui modèle d’un art dit classique.
Les Celtes développèrent un art symbolique, complexe et raffiné dont le sens s’est perdu dans le tumulte de l’histoire et que nous avons toujours du mal à comprendre. Ils reproduisaient le monde avec des représentations abstraites dont la signification était probablement d’ordre philosophique.
Georges Bain, éminent spécialiste de cet art le qualifia de brittonique et en attribua l’origine aux Pictes à propos des quels il écrivit : “Le terme de Pictes désigne les Cruithnes, ces ancien Bretons dont l’art devait beaucoup de sa perfection et de sa beauté à ce qu’il était fait usage de formules mathématiques pour les constructions. Les plus beaux exemples de monuments de pierre décorée, de métaux ouvragés et de joaillerie ont été découvert dans les régions d’Irlande et de Grande Bretagne qui avaient à une certaine époque habités par les Cruithnes.”
Le nom Pictes, d’origine romaine, signifierait “hommes peints” selon Bède le Vénérable. Il fut attribué par les Britto-romains, puis par les Anglo-Saxons aux habitants des basses terres de l’Écosse actuelle pour une période allant du IIIe siècle jusqu’au milieu du IXe siècle environ. Ce nom de Pictes évoque les relations belliqueuses qu’ils eurent avec Rome, puisque les peintures auxquelles ce qualificatif fait allusion étaient vraisemblablement des peintures de guerre. Jules César écrit d’ailleurs à propos des Bretons : “en vérité, tous les Bretons se teignent artificiellement avec ce qui produit une couleur bleue, de sorte qu’ils sont plus terribles d’aspect au combat”.
Les Pictes parlaient dit-on une langue celte, du groupe brittonique. L’Irlandais saint Colomba, au VIe siècle, ne la comprenait pas et fit appel à un interprète pour les rencontrer. On notera également que dans les “Mabinogions”, il est parfois fait mention des Bretons du nord avec lesquels Arthur n’entretient pas toujours les meilleures relations.
Avant d’être romanisée, comme toute la Gaule, l’Armorique était celte et cette période nous a laissé des décors de spirales, de ligne courbes et de lignes brisées. La période romaine a également laissé son héritage graphique gallo-romain.
Le pays a ensuite été bretonnisé, entre le VIe et le VIIIe par des guerriers bretons qui, à la tête de leur clan, fuyaient l’avancée saxonne en Bretagne insulaire. Ils sont arrivés en Armorique avec une foi chrétienne plus ou moins adaptée à leur longue tradition druidique.
Le dessin des motifs ornementaux de Bretagne s’appuie sur ces trois origines et n’a cessé depuis de s’enrichir des apports de tous ceux qui y sont venu, des trouvailles que les Bretons ont rapportés de leurs voyages et des courants artistiques qui revitalisent régulièrement la vie culturelle bretonne
Pour autant et si la presque totalité de la symbolique des Cruithnes est aujourd’hui perdue, les Bretons perpétuent ce goût de l’abstraction dans le tracé de leurs ornementations modernes avec un dessin tout aussi celtique que leur langue et leur musique.
Adapté du motif Broñsenn (bourgeon) collecté par Charles Le Roux sur d’anciens meubles bretons.