Extraits du rapport de maîtrise du professeur Jean Le Coz (1920-1991).
… Le cidre a fait la gloire de Fouesnant. C’est le meilleur cru de Bretagne. Ses vergers de pommiers donnent au pays cette “ombre verte de cathédrale”, un de ses plus grands charmes. Les pommiers se plantent partout dans le canton, mais vers la côte, ils sont plus denses. L’espacement moyen des arbres est de huit mètres, un journal de terre (4500 m2) en comporte environ soixante. Trapus, noirâtres, couverts de mousses et de lichens, ils sont fort peu soignés. Si les pentyern (patron de penty) coupent les branches mortes, c’est qu’ils les utilisent comme bois de chauffage.
L’arbre rapporte au bout de sept à huit ans et est en plein rapport entre vingt et quarante ans. Dans les terres lourdes, il vient plus vite, périt plus vite aussi. Un bon pommier moyen fournit cinq à six mille livres de pommes, parfois mille (il faut sept cent livres pour faire une barrique de cidre). D’une manière générale, à forte année de production succède une année de rendement très médiocre ; le rapport est en moyenne de dix à un. On peut dire que les neuf dixième des vergers ont leurs meilleurs rapports les mêmes années, actuellement les années paires (au début du siècle, c’était les années impaires).
Les principales espèces de pommes :
Hâtives : C’hwero-gwenn – C’hwero-brav – C’hwero-ruz – C’hwero-melen – C’hwero-brizh – Dous-bloc’hig – Troajenn-hir – Boutailh-vihan – Brantot.
Tardives : C’hwero-bleiz – C’hwero-ruz-visse – C’hwero-rouz – Avalou-beleien – Prat-yod.
Le jus de ces fruits est très coloré, riche en saccharose et en tanin, plutôt pauvre en acide salique. Après deux soutirages, l’un après la fermentation tumultueuse, l’autre en février, le cidre titre six à neuf degrés. Selon l’année, la terre, la variété ; sa densité oscille entre mille trente et mille trente-cinq. Il n’est pas besoin d’activer la fermentation par des produits chimiques, le cidre possédant toutes les qualités voulues. Le cidre de Fouesnant se caractérise par son mœlleux, sa saveur douce amère agréable, mêlée d’un certain bouquet, sa coloration foncée.
Le produit idéal, le grand cru de Fouesnant est obtenu par le mélange de deux tiers de c’hwero-brizh et d’un tiers de c’hwero-ruz. Le cidre le plus coloré, le plus arômé, le plus fruité s’obtient autour de la baie de La Forêt sur une profondeur d’environ deux kilomètres, jusqu’à la hauteur de la route de Quimper – Concarneau à l’Est ; au-delà, à Saint-Évarzec par exemple, si la teneur en alcool est la même, le cidre est plus dur, en définitive, c’est autour des bourgs de Fouesnant et de La Forêt que l’on trouve le meilleur cidre.
La fortune du cidre de Fouesnant est très ancienne, mais c’est surtout depuis une cinquantaine d’années que sa réputation s’est répandue ; les vergers ont augmenté considérablement depuis 1910 et ce mouvement s’est accéléré depuis 1939, il y a eu un temps d’arrêt vers 1930 – 1932 au moment où le vin titrant onze degrés se vendait un franc cinquante le litre.
Le prix du cidre à Fouesnant a toujours été très élevé.
1913 : 25 à 40 Frs la barrique de 220 litres.
1920 : 70 à 100 Frs la barrique de 220 litres.
1939 : 200 à 400 Frs la barrique de 220 litres.
1940 : 800 Frs la barrique de 220 litres.
1945 : Jusqu’à 6000 et 8000 Frs la barrique de 220 litres.
En septembre 1943, le litre de cidre se payait au débit 35 à 40 Frs et à Alençon 4 Frs !
Le cidre de Fouesnant est le seul cidre breton a être considéré comme une appellation contrôlée…
Jean Le Coz était originaire de La Foret Fouenant. Après des études supérieures brillantes pendant la guerre 39-45, il demande une mutation pour les colonies et commence sa carrière à Rabat au Maroc en 1947 où le pays fait de lui un ruraliste. Géographe complet, il quitte le Maroc en 1965 pour Montpellier et jusqu’en 1985 se consacre à l’étude du monde rural universel. Fondateur de la revue Espace Rural, créateur d’un des tout premiers DESS d’Aménagement Rural et Développement Local, conférencier, auteur de nombreux ouvrages, Jean Le Coz a marqué toute une génération de géographes