Lassé de l’humidité ambiante, nous sommes descendus dans le sud. En fait de descente cela a commencé par une montée, celle de l’escalier rigoureux du palais des souverains de Mallorca, à Perpignan. Mais notre quête de beau temps fut un échec. Heureusement, le Roi Jaume pratiquait la cour itinérante et son château de Collioure est encore en assez bon état pour servir d’abri le temps d’un bel orage. Nous avons donc continué plus au sud et vérifié une fois de plus, en passant de Cerbères à Portbou que la météo se moque bien des frontières.
Il faisait beau sur Barcelone. En descendant de Mont Juïc, nous avons un peu patouillé sur la Ronda Litoral, longé le port qui s’agitait du va et vient des containers et le bassin des yachts où trois superbes paquebots faisaient miroiter leur blancheur immaculée. Après quelques ratés, nous avons garé l’auto dans l’abri d’un parking, à quelques pas de la Rambla. Point de Bari Gotigo cette fois, mais Plaça Reial où le fond de l’air n’obligeait pas les palmiers à dispenser la fraicheur de leur ombre.
Nous avions rendez vous avec Salvator, un mécanicien surréaliste qui voulait nous fourguer une vieille Cadillac. Il est venu avec son ami Joan. Ils étaient en retard et assez fatigués, à cause d’une marche pénible guidée par l’oiseau flamboyant du désert, nous ont-ils affirmé en guise d’excuse. Nous n’avons pas acheté la belle américaine car le vendeur ne voulait pas réduire la taille de la statue qui en ornait la calandre. De son point de vue, la voiture valait mieux qu’une Rolls Royce et donc la statue devait être plus grande.
Nous avons donc pris congé et somme allés noyer notre déception dans le bar à tapas voisin. Nous soupçonnons le barman, de type asiatique, d’avoir ajouté de curieuses substances dans nos consommations car nous avons eu plus tard de drôles de visions et la sensation d’être embarqué dans un remake du voyage de Mael Duin. A certain moment la mer était comme du verre, à un autre elle était comme un nuage. Dans un pays sous la mer, un courant d’eau traversait l’air comme un arc en ciel et nous y avons pêché des saumons. Il y avait un pilier d’argent sortant de la mer, un filet d’argent y était accroché. Nous en avons traversé une maille et l’avons emporté comme un trophée.
Cette étrange sardane n’a pas duré trop longtemps et nous sommes remontés par les escaliers plein de fantaisie des vignobles du banyuls qui suivent les pentes irrégulières de la montagne. Pas de machine à récolter ici, la question ne se pose pas. Nous avions le souvenir de l’apéritif à la mode dans l’après-guerre et que buvaient nos parents, mais le temps a fait son œuvre et les vignerons d’ici doivent se battre pour perpétuer leur très ancienne tradition. On ne peut que saluer leur travail, ils font de très belles choses et les rencontrer vous conforte dans cette idée que les terroirs d’exceptions forgent des hommes à leur mesure.
Ce périple en Catalogne ne nous aura pas permis de trouver la chaleur, mais nous avons trouvé bien mieux, des châteaux enchantés, de belles expositions, les riches aventures de Salvator, les joyeuses fantaisies de Joan, l’agitation de la Ciutat Vella et le soleil en bouteille des vignerons de Banyuls.
Kroas Avalou 27 05 2013