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Pommes à cidre en Cornouaille (1)

Jaketig

Cet article est un préambule à une série de fiches sur des variétés de pommes à cidre que l’on rencontre en Cornouaille. L’information que l’on pourra y trouver est extraite de notes prises à l’occasion de rencontres avec des hommes de l’art ou d’observations sur des vergers de production, d’études et surtout conservatoires où l’on découvre encore des spécimens abandonnés par le cidre moderne.

Ce travail n’a pas vocation à vulgariser des informations techniques sur les arbres et le jus que l’on peut en espérer, il y a des professionnels pour cela. L’ambition est ici de rassembler des éléments qui permettront de mettre en évidence les liens entre les personnes qui font vivre la tradition cidricole cornouaillaise, les terroirs du pommier à cidre et les cidres qui y sont produits. Jusqu’à nos jours, ces cidres sont chaque année le reflet de ces producteurs de pommes et de ces élaborateurs de cidres, mais également de leurs clients avec en filigrane la beauté des campagnes où se répète tous les ans cette étonnante alchimie. Les pommes que nous examinerons (l’ordre des fiches est le fruit du hasard) sont majoritairement des fruits très locaux, parfois connus dans un seul quartier, mais nous verrons des variétés venus de l’est de la Bretagne ou de Normandie et parfois si bien adaptées que nos anciens en avaient « cornouailliriser » le nom.

Les cidres sont généralement élaborés à partir de plusieurs variétés de pommes à cidre. Chaque variété apporte sa couleur, ses parfums et ses saveurs. Les amères apportent de la structure et de l’amertume, les douces des parfums et du sucre, les acidulées de la fraîcheur. Les proportions peuvent évidemment varier chaque année en fonction de la qualité de la récolte et de l’alternance des rendements.

Un grand nombre de variétés

Un verger doit donc rassembler suffisamment de variétés différentes afin d’assurer chaque automne un approvisionnement efficace. Dans le cas d’un cidre de tradition, les variétés de base du cru local sont privilégiées, mais afin de palier aux variations de production et de qualité, un certain nombre d’autres variétés d’origines diverses, sont également présentes. Toutefois, même pour un type de cidre défini (brut fermier, pur jus, du sud-Cornouaille par exemple), il existe des différences importante entre les vergers. Celui du cidrier-récoltant privilégie la qualité des fruits tandis que celui du producteur de fruits est organisé afin d’obtenir les meilleurs rendements.

La fierté locale

C’est un grand un facteur de diversité. Chaque canton, voir parfois chaque village, s’enorgueillit de pommes originales. C’est exactement comme pour les coiffes, chaque « pays » cherche à se différencier de son voisin par tous les moyens. Nombre de vieux adages vous rappellent que ces pommes ne peuvent pousser n’importe où. On vous explique doctement que la très fouesnantaise C’hwerv-brizh ne donne rien au-delà de la route Concarneau-Quimper, ou que la Kemerrien, célèbre pomme de Clohars Carnoët, ne franchit pas le ruisseau du Saint-Laurent à l’est de La Foret Fouesnant

Il faut en outre garder à l’esprit que les pommes d’une même variété peuvent porter des noms différents suivant le village où elles sont cultivées. On trouve ainsi une Dous-bloc’hig à Fouesnant qui ressemble fort à la Dous-Rieg de Riec-sur-Belon. Quand on sait que ces variétés sont en réalité originaires du Morbihan, on peut supposer que d’autres noms peuvent exister, même s’il est difficile d’en obtenir la certitude.

Enfin, il y a les pommes baptisées à défaut. Un vieux cidrier témoigne que dans sa jeunesse, alors qu’il travaille sur un chantier près d’un verger, il remarque une pomme à cidre. À la bonne saison, il prélève des greffons et s’empresse de les transplanter dans son verger. Mais comme il en ignore le nom il lui donne simplement celui de l’endroit où il l’a trouvée. Le cas est loin d’être isolé. Un autre informateur explique que la maison Rousseau-Goas de Fouesnant, aujourd’hui disparue, appréciait les variétés du secteur de Riec-sur-Belon et avait chargé quelques paysans d’en cultiver à La Foret Fouesnant et à Fouesnant. Voulant sans doute éviter les foudres des jaloux supporters du fameux nectar fouesnantais, les noms de ces variétés ne furent pas divulgués. Du coup les agriculteurs leur en ont trouvé de nouveaux, parfois le prénom de leur épouse ou de leur fille.

Une normalisation en marche

Il n’est donc pas étonnant de compter, rien qu’en Cornouaille, un nombre très important de variétés de pommes à cidre. Avec le temps les pratiques mentionnées ci-dessus tendent à disparaître et les recherches initiées depuis le début du vingtième siècle par Jules Crochetelle et largement poursuivit depuis, commencent à dessiner une carte des variétés de pommes à cidre cornouaillaises. Les producteurs modernes de fruits à cidre ne mentent plus sur l’origine de leur variétés, la nécessaire traçabilité, garantie de qualité, est passée par là. Ce qui importe aujourd’hui ce sont les bons rendements, les bonnes qualités cidricoles et la capacité à entrer, sans le dénaturer, dans la « recette » d’un cidre bien accepté du public, donc plus facile à vendre.

On trouvera dans les articles à venir des notes sur des pommes utilisées chaque année pour le plus grand plaisir de nos papilles et d’autres sur ces variétés que l’on conserve comme des souvenirs d’une époque révolue ou pour le seul plaisir d’un fruit trop goûteux ou trop joli pour être abandonné. Nous devrions commencer par la c’hwerv-brizh (prononcé féo brij) et nous verrons cette célèbre variété fouesnantaise, loin d’être unique, cache en fait plusieurs variantes.

©MarkGleonec – Octobre 2015 – Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur

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Photographiées début octobre 2015

En haut de gauche à doute : Kroc’hen-ki – Rous-koumoulenn-bras.

En bas de gauche à droite : Variété inconnue – C’hwerv-bro-Pleuven.

Photos©MarkGleonec2015

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