Dans la documentation officielle son nom est Verger Conservatoire. En réalité il y a deux vergers, un pour les pommes à croquer et l’autre pour les pommes à cidre. Le premier est bien un verger conservatoire. Il rassemble des variétés de pommes connues localement grâce aux collections bourgeoises des châteaux et manoirs du canton, rassemblées à la fin du XIXe siècle. Le second abrite des variétés locales de pommes à cidre. Les noms de ces pommes, héritées d’une longue tradition paysanne, sont évidemment en Breton et racontent dans la très grande majorité des cas une belle histoire. Ce verger est donc un témoignage vivant de ce patrimoine et mérite bien le titre de Verger Patrimonial.
Pour le trouver, il faut venir à Fouesnant, prendre la direction du Cap-Coz et se perdre dans le lacis des gwenodennoù (prononcé vinojennou) qui descendent vers le fond de l’anse de Penfoulig que l’on peut longer à pied par un sentier en limite des bois. L’endroit vaut la visite, car le chemin mène également à la digue du fond de l’anse et son très beau chemin creux. Cependant comme tous les endroits préservés, il est fragile. Il faut donc laisser sa voiture au parking et s’y rendre à pied en veillant à ne laisser aucune trace de son passage.
Le Verger de Penfoulig a été créé dans les mois qui ont suivi l’ouragan du 15 octobre 1987. On le doit à Guy Rannou, de La Forêt Fouesnant, qui s’est passionné toute sa vie pour les traditions locales et les pommes. À cette époque, le verger à cidre cornouaillais, vieux de plus d’un demi-siècle, est en cours de remplacement par un verger moderne qui fait la part belle à des variétés sélectionnées, pas toujours originaires du cru. Pour Guy Rannou et son équipe, il s’agissait de sauver ce qui pouvait l’être des vieilles variétés à cidre locales qui menaçaient d’être perdues. La terre mise à disposition appartient au Conservatoire du Littoral, et la beauté du lieu suffit à prouver la justesse de cette organisation qui a sans douté sauvé du béton bien des côtes. Les greffons furent collectés dans les fermes du canton et identifiés selon les noms transmis par les donateurs. Un élan de solidarité s’organisa afin de trouver suffisamment de portes-greffes. Le verger de pommes à croquer a pris forme dès 1988 et celui de pommes à cidre un an plus tard. Les débuts furent difficiles car les plantations, visitées par les bêtes d’une ferme voisine, nécessitèrent de nombreux remplacements de greffons. Le verger fut ensuite intégré à l’Espace Naturel de Penfoulig, géré par la Mairie de Fouesnant.
Une fois les pommiers sortis d’affaire, le verger aurait pu servir de cadre à d’agréables balades. Cependant l’arrivée de Lucienne Moisan-Le Goff à la Mairie de Fouesnant, afin d’organiser les visites des espaces naturels, changea quelque peu l’affaire. Au fil du temps elle comprit que les noms des pommes et les informations dont elle disposait étaient pas fiables. Nous avons donc fait ensemble le tour des vergers et nous sommes attelés à un exercice de reconnaissance variétale des collections. Déterminer, tant d’années le nom d’une variété n’est pas une sinécure. Il s’agit de repérer une pomme qui peut correspondre à celle que l’on veut identifier, de collecter les informations sur le port de l’arbre, sa date de floraison, sa date de maturité, la forme de la feuille et bien sûr vérifier ces observations sur un cycle assez long pour être pertinent. En raison de l’alternance naturelle de fruitiers, nous sommes donc venu pendant quatre ans observer les pommiers. Ce travail, complété par des recherches documentaires et des conversations avec des spécialistes et des anciens du canton, a mis en lumière que ces noms, en Breton, sont quasiment toujours une information précise sur le fruit ou son arbre. Dans bien des cas c’est également le début d’une histoire. Cette découverte nous a permis de mettre en lumière une composante mal connue de ce patrimoine de nos terroirs.
La recherche sur les noms et les qualités des variétés de Penfoulig fut une longue enquête. Elle n’est pas vraiment achevée car rien en la matière n’est jamais sûr et des surprises sont possibles. La liste des noms rassemblée à l’origine de l’étude, en compte 450 dont nous avons seulement retenu un petit tiers qui nous semblait représentatif. Cette liste met en évidence une large prédominance des saveurs amères et sucrées, tandis que la saveur acidulée est presque absente. Elle montre que sur 450 noms, 100 comportent le mot Amer ou C’hwerv. Elle compte également 138 noms comportant selon le cas, les mots douce, dous ou doux. Tout cela montre que les noms de pommes à cidre en Sud-Cornouaille désignent à une courte majorité la saveur douce-amère. Un tableau des caractéristiques techniques établit en confrontant des valeurs éditées depuis parfois un siècle confirme que les variétés douces et amertumées sont très majoritaires.
Un verger comme celui de Penfoulig avec ses arbres de haute-tige, est une petite forêt de pommiers qui comme toutes les forêts joue son rôle écologique. Il abrite une vie grouillante d’insectes et d’oiseaux qui contribue à son équilibre. On y trouve également des ruches et le site sert de pature, en hiver et au printemps, à un petit troupeau de poneys. La collection des variétés de pommes, géré par la Mairie de Fouesnant, est désormais régulièrement suivie et de nouvelles plantations permettent de la compléter. Les travaux de recherche menés sur les variétés vont permettre de mieux documenter les visites. Dores et déjà le site internet de la Mairie présente une bonne part de ce travail. Un livre à la fois informatif et divertissant, s’appuie sur la collection de Penfoulig pour illustrer les pommes et le cidre en Cornouaille (parution le 28 06 2019).