À l’heure où pour des raison d’efficacité économique, les vergers de production réduisent leur panel de variétés à ceux les plus demandés, de nombreuses voix s’élèvent pour rechercher dans les collections de sauvegarde celles qui demain pourraient apporter des couleurs, des arômes et des saveurs nouvelles, voire simplement palier aux effets du changement climatique qui avance chaque année un peu plus les périodes de floraison et de récolte. Il semble donc intéressant de donner le portrait de fruits moins répandus ou moins connus de la campagne cornouaillaise, qui peuvent être encore utilisés ici où là.
Il s’agit strictement d’une mise en valeur de l’important fond variétal que nos anciens ont rassemblé, les informations données sont le résultats de conversations sur le terrain.
Brizh-kannig
Variété de pomme à la réputation contrastée, la Brizh-kannig est une pomme dites “à deux fins”, originaire de Bannalec pour les uns, du Trévoux près de Quimperlé pour les autres (tout cela reste cependant dans le même secteur). Au XIXe siècle et jusqu’au milieu du XXe, elle était cultivée et expédiée par wagons entiers en Allemagne où elle entrait dans la préparation d’apfelkraut (marmelade). Elle convient cependant tout aussi bien à la fabrication de jus de pomme. Son jus très clair, moyennement abondant, bien dense et nanti d’une belle acidité en fait également un fruit utile pour équilibrer certains assemblages. Elle est enfin réputée permettre l’élaboration d’un cidre mono-variétal se rapprochant de celui obtenu à partir de la Guillevic avec selon les anciens la particularité de “faire son cidre toute seul”.
Il est facile de comprendre que les conflits mondiaux de la première moitié du XXe siècle ont affecté ses expéditions outre-Rhin. Sa culture a donc bien déclinée et c’est aujourd’hui un fruit en voie d’oubli. Néanmoins, malgré quelques défaut, elle propose des arguments assez intéressants pour mériter que l’on s’y arrête. Elle est portée par des arbres rustiques au port érigé, à la vigueur moyenne et à la période de floraison en première quinzaine de mai. La productivité est bonne et relativement peu affectée par l’alternance. Les fruits sont moyens à gros, chutent en fin septembre et arrivent à maturité dès le début d’octobre (ce qui permettait d’en coupler l’expédition avec celle des choux destinés à l’Est de la France). Ils donnent un jus très clair, moyennement abondant, mais dense avec une belle acidité. Outre sa capacité à donner un bon cidre mono-variétal, c’est donc un fruit utile pour équilibrer les assemblages. Son utilisation est cependant freinée par une conservation assez courte, ce qui ne permet pas toujours l’assemblage souhaité et qui a probablement généré de nombreuses protestations du temps où elle s’expédiait par wagon (pas sûr que le lot soit toujours arrivé en bon état).
En réalité son nom nous prévient de cela. Il peut se traduire par petit-éclat. En effet si l’adjectif Brizh signifie bien tacheté, rayé ou moyennement placé après un mot, il devient un préfixe péjoratif quand il est placé devant. Kannig est un diminutif de Kann qui exprime le blanc éclatant, l’éclat ou la splendeur (une personne habillée de son plus beau vêtement, se verra qualifier de Kann).La Brizh-kannig, comme de nombreuses pommes, dispose sur la peau d’une pellicule de cire naturelle pouvant briller dans certains cas, peut-être plus que les autres. Le nom était donc tout trouvé et avons un fruit qui fait le beau et brille sur sa banche, mais une fois cueilli ou ramassé au sol, il ne lui faut pas longtemps pour perdre de sa superbe. Au final cela ressemble à une version champêtre du “Tout ce qui brille n’est pas or”.
On trouvera dans la Pomologie du Finistere de J.F. Crochetelle, paru en 1905, dans le Tombé dans les pommes, de L. Tréhin, H. Guirriec & J.P. Roullaud, paru en 2014 aux Éditions Locus-Solus des descriptions de cette pomme. Il en existe des arbres en collection au Verger de l’Association Arborepom d’Arzano, au verger du Manoir de Kernault et au Verger de conservation du Cidref.