Lors de notre dernière session des “Dégustations du Sistrot”, nous avions découvert un Cidre de fer crée par Jacques Perritaz à la Cidrerie Vulcain à Le Mouret en Suisse (voir à ce sujet, le post du 30 mai dernier). Jacques Perritaz utilise de la Pomme de fer, une pomme réputée à croquer, mais qui passée entre ses mains expertes, donne des résultats cidricole probants1.
C’est un bel exemple de création d’un cidre original à partir d’une variété de fruit ancienne. La première mention de pomme de fer que j’ai pu retrouvée remonte au Dictionnaire de Pommologie (1873) de A. Leroy. Ce n’est évidemment pas le seul cidre issu d’un telle expérimentation et à vrai dire, tous les cidres ont connu cela à un moment donné. Le phénomène semble s’amplifier actuellement avec le retour en grâce (revival diraient nos amis Anglo-saxons) de la boisson de pomme. Qu’il s’agissent de terroirs traditionnels ou des nouveaux territoires du cidre, les cidriers (souvent jeunes) expérimentent. Cela tient à la nécessité pour chacun d’eux d’avoir une offre différenciée, mais aussi à leurs envies de renouveler le cidre.
Si le phénomène semble important, cela n’est pas nouveau. En nos contrées bretonnes, l’expérimentation récente la plus connue reste celle de la pomme Guillevic dont le regretté Jean Ferrand avait en son temps sélectionné un excellent clone et qui a trouvé un son prolongement avec la mise au point du Royal Guillevic, largement copié depuis, mais fort heureusement protégé sur sa zone (l’ouest du Morbihan) par son Label Rouge.
Ces expériences sont loin d’être isolée et quasiment chaque zone de production voit régulièrement apparaître des cidres originaux basés sur la saveur particulière de telle ou telle pomme. En Val d’Aoste, la Cidrerie Maley tire la quintessence de la Raventze avec ses cidres Matterhorn et Jorasses. Au Quebec, la Maison Michel Jodoin s’est fait connaître avec un cidre rosé élaboré avec la Geneva, une pomme à chair rouge (d’autres en font autant avec Redmoon ou la pommette Dolgo). À la Foret-Fouesnant (29), la Cidrerie Sehedic assemble la Guillevic avec l’Avrolle du Pays d’Othe pour élaborer son excellent Blanc-d’Armorique. À Sulniac (56), la Distillerie du Gorvello expérimente avec succès la pomme Coco d’Isse.
Ce ne sont que quelques exemples, la liste serait trop longue dans l’effervescence actuelle autour du cidre. Pour autant si l’on observe les cidres de tradition, on découvre par exemple à Beg-meil (29), que les paysans savent depuis longtemps assembler la C’hwerv-ruz-mod-kozh avec la Troajenn-hir pour élaborer un fameux cidre considéré comme une référence en Pays de Fouesnant (malheureusement ces variétés anciennes alternent parfois fortement et il n’y en a pas tous les ans). À Broons (22) l’assemblage de la Chevalier-doux et de la Bedan-gros donne également de beaux produits.
Les producteurs des cidres d’appellation (Cornouaille, Pays d’auge, Cotentin), n’ont évidemment pas cette liberté. La liste des variétés agréées pour une Appellation est bien entendu rigoureuse, car il faut bien pouvoir tout contrôler si l’on veut apporter une garantie au consommateur. Pour autant ces cidres sont les références de la qualité désormais portée par le cidre et la preuve de l’extrême importance de la qualité des fruits dans son élaboration.
Pomme de fer (Aval-houarn en Cornouaille)
On trouve des pommes de fer un peu partout.
“Son nom viendrait de la résistance de ses fleurs aux difficultés climatiques du printemps, du fruit qui est très ferme et se conserve longtemps (parfois août de l’année suivante), que l’arbre garde longtemps ses feuilles vertes à l’automne…” – http://www.forum-tomates.net/viewtopic.php?t=6089
L’association Les mordus de la Pomme en a recensé une quinzaine en Bretagne. – http://www.mordusdelapomme.fr/spip.php?article267
La Pomme de fer est parfois réputée être originaire du Cher. – http://www.pomologie.com/oc/vergerfcs/tom2/images/fullsize/VF20258.JPG.JPG – & – The New Book of Apples, J. Morgan & A. Richards, 2002, (p. 253).
Il existe une Pomme de fer du Quebec. – The apples of New York (T. 1), S. A. Beach, 1905, (p. 292-293).
Il en existe une autre au Vermont (USA). – https://unitedstatesofcider.com/tag/pomme-de-fer/
Cependant A. Leroy la pense originaire de Suisse. – Dictionnaire de Pommologie (T. 3), A. Leroy, 1873, (p. 299-300)
Guillevic
La Guillevic est la variété emblématique de la région de Baud et de l’ouest du Morbihan. Elle s’est aujourd’hui imposée comme la pomme acidulée par excellence du verger cornouaillais. En breton, Gilvig désigne le Guillemot et parfois le Macareux. Elle doit probablement son nom à son inventeur, le patronyme Guillevic, dans sa forme francisée, est en effet assez répandu en Morbihan2. – http://dinan.dinancommunaute.fr/conservatoire/pommes/guillevic
Claude Jolicœur écrit à son propos : “C’est une des rares pommes (avec la Kingston-black anglaise) considérée comme parfaite, c’est à dire qu’elle peut donner un cidre bien équilibré sans avoir à être mélangée…”3.
A noter cependant qu’il en existe plusieurs clones aux caractéristiques voisines, mais qui ne conviennent pas toutes à l’élaboration d’un bon cidre monovariétal.
1 – Ce n’est pas, et loin sans faut, la seule pomme de table utilisée pour l’élaboration de cidre. Dans l’industrie cidricole, l’utilisation de ces pommes (parfois sous forme de concentrés) donne des cidres moyennement acidulés. Destinés à la grande consommation, Ils sont généralement aromatisés en fonction des goûts du grand-public .
2 – On citera en exemple le poète Guillvic, natif de Carnac (56) dont l’œuvre couvre toute la deuxième moitié du XXème siècle.
3 – Du pommier au Cidre, C. Jolicœur, (p. 84), Ed du Rouergue (2016).