En ces temps de festivités, nous sommes sans doute nombreux a avoir ressenti, au moment de servir un alcool, une fierté proportionnelle à l’âge s’affiché sur l’étiquette du flacon. Ce chiffre indique bien sûr le temps passé par le nectar dans l’ombre des futailles.
Si les nobles contenants de bois sont l’apanage des alcools, ce n’est plus le cas pour les cidres en Cornouaille, sauf aux animations estivales et dans quelques productions domestiques, mais il y a moins un demi siècle le tonneau était roi. Il était à la cave, couvant jalousement la maturation des jus. Il était à l’office des demeures bourgeoises, dans les tavernes, sur les foires et pardons. Chacun venait pieusement y soutirer un pichet, manipulant avec religiosité l’antique clef de buis, objet magique qui libérait dans un petit grincement la juste quantité souhaitée. D’aucun n’omettait de remercier le bois d’une petite tape affective. Sauf en de rares maisons, la cuve de plastique ou d’acier inoxydable a remplacé le tonneau. La conduite des fermentations y est nettement moins hasardeuse et si cela influe bien évidemment sur la palette des arômes, les cidres de notre temps sont exempts de boisés excessifs comme de beaucoup de défauts engendrés par des bois trop vieux.
Les fûts n’ont pas pour autant disparus de nos campagnes. De nombreuses boissons (Pommeau, Lambig, Whisky, etc…) utilisent le bois pour leur vieillissement. La fabrication d’un tonneau destiné à cet usage nécessite de sélectionner le meilleur de l’arbre. L’essence reine est le chêne et de part le monde c’est le chêne d’Amérique que l’on utilise le plus fréquemment. En Bretagne, comme en France, c’est le chêne du Limousin qui a les faveurs des spécialistes. C’est à lui que l’on doit en particulier les merveilleux parfums des grands Cognacs. Il y a cependant des bois originaux comme le chêne de la Forêt de Brocéliande utilisé pour le fameux (et unique) whisky de blé noir de Plomelin. Les premiers tonneaux réalisés avec ce bois eurent droit à un baptême sous l’autorité du Grand Druide de Bretagne. Gageons que le nectar qui y transite colporte désormais entre ses arômes la grande légende des guerriers d’Arthur.
En tout cas, si la période actuelle est propice à la comparaison des effets du bois sur le vieillissement des alcools, il convient de rester mesuré, autant avec les doses qu’avec le nombre d’échantillons, arabat evañ re, fall eo evit ar yec’hed*, la fierté de servir un produit d’exception n’y est en aucun cas lié.
Bloavezh mad d’an holl**.
* il ne faut pas boire trop, c’est mauvais pour la santé.
** Bonne année à tous.